Lorsque l’on évoque les traditions japonaises, les figures de la Geisha et de l'Oiran suscitent souvent confusion et fascination. Ces deux figures, bien qu'elles partagent un lien avec les arts traditionnels et un certain esthétisme, appartiennent à des contextes, des époques et des fonctions bien distincts. Cet article explore leurs origines, rôles et différences pour mieux comprendre leur place dans la riche culture japonaise.
Origines et contexte historique
Les Geisha : artistes au service des arts
Les Geisha, littéralement « personne des arts » (芸者), apparaissent au XVIIIᵉ siècle dans un Japon où les divertissements artistiques fleurissent. À l’origine, ce rôle était principalement masculin, mais il évolue rapidement pour devenir presque exclusivement féminin. Les Geisha se consacrent à des performances artistiques raffinées, mêlant danse, musique (notamment au shamisen) et conversation. Elles opèrent dans des maisons de thé (ochaya) et des salons de divertissement, principalement dans des quartiers dédiés comme le célèbre Gion à Kyoto.
Les Oiran : courtisanes des plaisirs raffinés
Les Oiran émergent à l’époque d’Edo (1603-1868), dans un Japon où les maisons closes prospèrent dans les quartiers autorisés, appelés yūkaku. Ces courtisanes de haut rang incarnent le summum du luxe et de la sophistication. Bien qu'elles soient liées à la prostitution, leur rôle dépasse cet aspect. Les Oiran sont des expertes en arts traditionnels, en calligraphie, en poésie et en conversation. Leur statut élitiste leur permet d’interagir avec des samouraïs et des hommes d’affaires influents.
Différences fondamentales
- Geisha : Les gardiennes des arts
Les Geisha se consacrent uniquement aux arts et à l’accompagnement social. Elles ne participent pas à des activités sexuelles dans le cadre de leur profession, contrairement à une idée reçue souvent véhiculée en Occident. Leur rôle est d'apporter un divertissement culturel et intellectuel grâce à leur maîtrise des arts traditionnels. - Oiran : Les courtisanes de luxe
À l'inverse, les Oiran exerçaient dans des maisons closes et offraient des services incluant des relations intimes, bien que ces aspects soient soigneusement ritualisés et entourés de codes stricts. Elles se distinguaient également par leur érudition et leur capacité à charmer leurs clients dans des échanges cultivés.
Apparence et tenue vestimentaire
L'apparence des Geisha et des Oiran est un des aspects les plus frappants de leur distinction.
- Les Geisha portent des kimonos simples et élégants, généralement dans des tons sobres. Leur coiffure (shimada) est décorée de modestes ornements, et leur maquillage, bien que sophistiqué, reste minimaliste pour refléter une image de raffinement et de modestie.
Une autre différence notable est la manière de porter leur obi (ceinture du kimono) : il est noué à l’arrière, symbolisant leur rôle artistique et non sexuel. - Les Oiran, au contraire, arborent des kimonos extravagants, richement brodés avec des motifs flamboyants, souvent agrémentés de plusieurs couches. Leur coiffure complexe, ornée de nombreux peignes et épingles, illustre leur rang. Leur obi est noué à l’avant, pratique héritée de leur rôle dans les maisons closes, où changer de tenue régulièrement était nécessaire.
Cadre de pratique
- Les Geisha exercent principalement dans des hanamachi (quartiers des fleurs), comme Gion à Kyoto ou Asakusa à Tokyo. Ces quartiers sont centrés autour des arts et des maisons de thé. Les interactions avec les Geisha se font sur invitation uniquement, ce qui leur confère un statut exclusif.
- Les Oiran évoluaient dans les yūkaku, notamment le quartier de Yoshiwara à Edo (ancien Tokyo). Ces espaces étaient clos et régulés par des lois strictes, offrant un cadre à la fois contrôlé et ostentatoire.
Déclin des Oiran et survie des Geisha
Avec l’ouverture du Japon à l’Occident à partir de l’ère Meiji (1868-1912) et l’évolution des mœurs, le système des yūkaku décline rapidement, entraînant la disparition progressive des Oiran. Cependant, leur héritage reste vivant à travers des événements culturels, comme le défilé des Oiran (oiran dōchū), une reconstitution spectaculaire de leurs processions dans les rues, qui continue d’attirer les visiteurs.
Les Geisha, quant à elles, ont su s’adapter. Bien que leur nombre ait diminué au fil des décennies, elles restent actives dans des quartiers historiques comme Gion, préservant les arts traditionnels japonais et attirant un public curieux du Japon authentique.
Les Geisha et Oiran dans la culture contemporaine
La fascination pour ces deux figures demeure forte, nourrie par des œuvres comme le roman Mémoires d’une Geisha d’Arthur Golden ou par des séries et films japonais. Cependant, il est crucial de ne pas confondre ces deux rôles, qui incarnent des aspects très différents de l’histoire et de la culture japonaise.
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